Les centres de santé municipaux sont 
une alternative réelle aux inégalités sociales

Par les docteurs Fabien Cohen, secrétaire général du SNCDCS, Maud Gelly, Joëlle Laugier
et Rémy Nakache, médecins (Sud Collectivités territoriales, Mairie de Saint-Denis), Frédéric Nadolny,
chirurgien-dentiste (CGT UFICT énergie Paris), Thierry Séguret, c

En 1971, Julian Tudor Hart, médecin britannique, décrivait une loi d’airain, à ce jour jamais démentie : l’« inverse care law », selon laquelle « la disponibilité des soins médicaux de bonne qualité tend à varier de façon inverse aux besoins de la population desservie ».

Dans le monde, les médicaments sont au nord, les malades au sud. En France, on vit cinq ans de moins dans le Nord-Pas-de-Calais qu’en Île-de-France, où les médecins sont presque deux fois plus nombreux (respectivement 230 et 400 pour 100 000 habitants). Il faut y voir l’impact des inégalités sociales sur la santé.

Force est de constater que cette injustice n’a été combattue par aucun gouvernement depuis des décennies, hormis une courte parenthèse entre 1981 et 1983. Seule l’action volontaire de municipalités, mutuelles ou associations, a pu rompre cette logique, qui a conduit aux fameux déserts médicaux, en développant des centres de santé : structures de soins primaires, curatifs et préventifs, médicaux, dentaires et infirmiers, assurés par un personnel expérimenté et hautement qualifié rompu aux échanges pluridisciplinaires et à la coordination, assurant à l’action sociale des soins de qualité dans le respect des tarifs conventionnels et pratiquant le tiers payant.

Cette démarche, conquise par la lutte de ses personnels et gestionnaires, a fait l’objet d’une première brèche en 2009 avec la loi hôpital patients santé et territoires (HPST). Celle–ci, ayant été mise en place pour restructurer notre système de santé aux besoins du secteur marchand et lucratif, a, sous couvert de modernisation des territoires de santé, libéralisé la création des centres de santé, bornant les agences régionales de santé (ARS) à ne devenir qu’une structure d’enregistrement sans aucun contrôle (même a posteriori) de qualité des soins et d’application d’un projet de santé conforme au Code de la santé publique et aux besoins du territoire où il est implanté.

Cela a ouvert la voie à des centres dont la vocation est loin de répondre aux exigences de qualité des professionnels et des populations, mais permet de substantifiques profits dans une nouvelle génération de centres spécifiquement dentaires, dits low cost. Des centres dont la philosophie est de poser le maximum de prothèses ou d’implants dentaires coûteux, en dévoyant la solvabilité et le concept de panier de soins des personnes ayant la couverture médicale universelle, garantissant aux gestionnaires ses recettes et aux patients concernés un accueil ghettoïsé. Dans ce contexte de grande braderie de la médecine sociale, la Mutualité française n’est pas en reste, en adoptant son nouveau modèle économique, rédigé en 2013 avec CoActis santé, qui a vocation à faire des centres de santé dentaire le moteur des recettes de ces centres de santé au détriment de l’intérêt de ses patients, selon le même schéma que les lowcost, mais non sans résistance de ses personnels pressurés.

Pour toutes ces raisons, nous invitons, en cette période électorale des municipales, toutes les listes de gauche en lice à promouvoir dans leur projet de ville ou de territoire des centres de santé qui respectent leur dimension de service public, rémunérant ses praticiens à la fonction (et non à l’acte), élaborant, avec personnels et usagers, un projet de santé associant soins, prévention et action sociale répondant aux besoins de leur territoire de santé.

Les centres de santé municipaux peuvent représenter l’alternative pérenne à la désertification médicale, répondant par là même aux aspirations des populations et des praticiens souhaitant un exercice salarié, coordonné et partagé. Encore faut-il que les communes étranglées par la réduction des dotations de l’État puissent compter sur d’autres financements que celui de la tarification à l’activité.

Il y a urgence à ce que les mesures préconisées par le rapport de juillet 2013 de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur la situation économique des centres de santé soient appliquées. Il y a urgence à ce que les financements promis par Marisol Touraine lors du Congrès national des centres de santé en septembre 2013 trouvent le chemin des centres de santé. Il y a urgence, pour les équipes municipales, à s’appuyer sur les personnels et les usagers des centres municipaux de santé, sur leurs luttes, leur intelligence des enjeux, et comme à l’Hôtel-Dieu, aux Lilas ou ailleurs, à créer ensemble des coordinations pour la défense du service public de santé et de la protection sociale.
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